Tant vaut l’école, tant vaut la nation dit-on de coutume. En réalité, aucun cadre ou aucune personnalité publique ne peut vanter son savoir-faire sans l’aide d’un enseignant. Cependant la situation des enseignants volontaires au Togo devient de plus en plus dégradant et invivable selon Koffi Katoré Adani. Après sa lettre ouverte du 22 décembre 2023, la rédaction du Journal LENEUTRE a contacté monsieur Adani pour avoir plus de précisions sur les conditions de travail des enseignants volontaires du Togo et sa démarche.
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Offusqué par la situation des enseignants volontaires qui perdure et se dégrade, le professeur de philosophie, Koffi Katoré Adani a décidé de se prononcer sur ce sujet sensible. Tout en dénonçant le traitement réservé aux enseignants volontaires, Adani fait des propositions alléchantes et espère que chacun joue sa partition. Lisez intégralement l’interview !
Bonjour monsieur Koffi Katoré Adani ! Parlez-nous un peu de vous ?
Bonjour monsieur le journaliste ! Et merci beaucoup pour l’intérêt porté sur la situation des enseignants volontaires. En effet, j’ai commencé l’expérience de l’enseignement en tant que volontaire depuis 2015 au Lycée de Yokélé à Kpalimé et j’ai abandonné volontairement la craie en 2020 au Lycée de Notsè pour certaines raisons personnelles. J’ai repris la craie il y a à peine un mois pour deux raisons notamment soulager le lycée Tabligbo souffrant cruellement de manque de professeur de philosophie et avoir une source de revenu complémentaire stable bien qu’insignifiant.
En réalité, mon intention n’est pas de revenir faire carrière dans l’enseignement. Ma lutte actuelle pour les enseignants volontaires est donc en quelque sorte une lutte pour les autres, une lutte pour le plus grand bien de la nation tout entière, une lutte patriotique.
En effet, j’ai été dans une profonde angoisse terrible depuis l’analyse du contrat de travail que les établissements essayent de présenter aux EV en cette année, à la veille de la proclamation des résultats du concours de recrutement des enseignants fonctionnaires, un contrat assez curieux.
Pourquoi avez-vous décidé de démissionner après la reprise de la craie à peine quelques mois ?
Si vous lisez bien ma lettre ouverte, vous comprendrez qu’on ne peut pas encore parler de démission de ma part. Je réponds quand même en disant que je suis sur le point de poser ma démission comme expression de la désolation de tous les EV face au contenu du contrat qui est non seulement suicidaire mais humiliant et dosé d’ingratitude vis-à-vis des enseignants volontaires du Togo. En effet, qu’il soit possible comme le stipule le contrat, de mettre fin aux services d’un enseignant volontaire au cours de l’année scolaire en cours, parce que l’État a envoyé des enseignants titulaires, c’est non seulement de l’ingratitude mais aussi et surtout une humiliation.
Ma réaction est donc une façon de dénoncer le traitement qui est réservé aux EV de tout le Togo et dont le contrat en question (similaires un peu partout) n’est qu’une expression flagrante.
D’abord le »pseudo salaire » pour la plupart des EV ne fait même pas le SMIG. Alors que les EV font le même travail et parfois ou même souvent plus que les titulaires qui ont un statut et une situation pas très rose mais relativement acceptable surtout avec les améliorations de ces dernières années. Ensuite on dit à l’EV qu’il se peut qu’il soit coupé de ce pseudo salaire en plein cours de l’année.! Comment donc peut-il avoir le minimum de tranquillité d’esprit pour pouvoir continuer à transmettre efficacement la connaissance aux élèves, sachant qu’on pourra lui dire bientôt »va tant d’ici, nous avons fini de t’exploiter » ?Finalement je me demande si, au delà des EV, l’avenir même des apprenants tient-il à coeur à l’administration publique qui a pu laisser voir le jour une telle situation ?
Dans cette situation que proposez-vous ?
Ce que je propose concrètement après discussion avec plusieurs collègues volontaires est une seule chose en trois points. Je propose la naissance d’un mouvement pacifique, Synergie des EV du Togo pour la paix et la stabilité dans les écoles (S-EVT-PS-E) par exemple, pour porter la voix des EV auprès des différents acteurs en vue d’une amélioration de la situation des EV. L’idée, c’est de garantir la paix et la stabilité ; pas de créer du désordre, de la tension et de l’instabilité.
Selon vous, que faire pour garantir cette stabilité et quel sera le rôle du mouvement que vous lancez ?
Il s’agit de prendre en compte les trois points suivants, et c’est au mouvement en question de travailler là dessus :
1- Écouter les EV, leur donner de la considération et du respect. Leur être reconnaissant en pensées, en paroles, par actions et même par omissions, pour le sacrifice qu’ils consentent sur le terrain.
2- Garantir aux EV un minimum de stabilité d’esprit en garantissant la non rupture du ‘salaire’ au cours de l’année, que l’Etat envoie des fonctionnaires ou pas. Le salaire restant pour l’année ne saurait combler la valeur du sacrifice d’être EV. Donc si l’État ne peut pas attendre pour déployer les fonctionnaires en début de l’année suivante, les volontaires qui seront touchés doivent être accompagné avec le reste du salaire en totalité, donné en bloc ou pas, tant mieux !
3- Penser à comment intégrer tout volontaire ayant fait au moins 3 ans dans le volontariat avec un résultat satisfaisant, indépendamment des concours généraux. Si certains EV n’avaient pas compétences pourquoi les utilisait-on pendant des années ? ». L’échec à un concours, surtout avec autant de candidats pour si peu de poste n’est pas pour moi un signe de non compétences ! Il faut donc un traitement spécial pour ceux qui sont dans la pratique durant plusieurs années déjà. Savez-vous que beaucoup d’EV n’ayant pas réussi au concours sont même professeurs ou formateurs de certains de ceux qui ont réussi ?
Le besoin d’avoir un document officiel fixant le statut particulier des EV du Togo semble être une nécessité non négligeable. Parlant des EV, je parle en même temps des contractuels des établissements et privés et confessionnels dont la situation doit aussi être pris en compte.
Ces propositions donneront-ils un bon fruit ?
C’est là, la plus grande question. Je dirai simplement qu’à chacun de jouer sa partition. Les enseignants volontaires eux-mêmes, les parents d’élèves, les élèves, les enseignants titulaires anciens comme nouveaux, les organisations de la société civile, le gouvernement, les hommes religieux, les organisations internationales, etc… Moi j’essaie de faire ma part à travers diverses actions. Mais que vaut le pauvre adani que je suis devant ce problème de taille ? Il faut signaler le fait que le rôle des médias est aussi fondamental dans cette aventure de foi.
Avez-vous un mot à l’endroit des EV?
Oui, pour nos chers et vaillants EV, personne ne mènera vraiment cette noble lutte à votre place. Mais lutter ne signifie pas non plus la guerre dépourvue de sagesse et de maturité. Je suis sûr que nos autorités seront fortement sensibles à ces mots qui ne sont autres que vos mots. Vous devez suivre ce dossier de près comme plaidoyer dans un esprit filial et patriote tout en continuant votre sacrifice vis-à-vis des apprenants, vis-à-vis de la nation.
Monsieur adani koffi katoré, savez vous que votre lettre comporte des mots ou expressions assez dures à l’endroit de l’autorité ?
Oui, je le sais, mais je sais plus encore que l’autorité sait que je porte la voix des sans voix et est capable de comprendre et tolérer ces expressions qui ne disent quand même pas du faux ! Et, la haute dose de révolte et de déception des EV, exprimée autrement risquerait de ne pas donner satisfaction à ceux dont je porte la voix. J’essaie d’être un pont entre les EV et l’autorité, les deux parties me tiennent à cœur. Il est question de l’éducation, il est question de l’avenir de la nation, ne blaguons pas avec. Imaginez ce que sera nos établissements si tous les EV décident de démissionner en plein milieu de l’année ?…
Je ne voudrais toutefois pas que des gens mal intentionnés utilisent maladroitement ma lettre ou toute autre intervention de ma part pour des fins politiques, de violences et autres ! D’ailleurs j’ai déjà réorienté la lettre à la personne du Président de la République en qui j’ai pleine confiance. Il agira une fois encore en harmonie avec sa vision salvatrice pour le bien être de la jeunesse togolaise.
À en croire monsieur Adani le budget préétabli pour l’année et qui permettrait de payer les volontaires si l’État m’envoyait pas de titulaire, cet argent doit pouvoir servir à les payer, même si l’État en envoyait. Il est donc inadmissible et ingrat de se permettre de faire économie sur l’argent du pauvre volontaire sous prétexte qu’il n’aurait pas travailler et donc n’aurait pas le mérite de cet argent.
La rédaction