Afrique de l’Ouest : 65 ans d’indépendance, et après ?

Afrique de l’Ouest : 65 ans d’indépendance, et après ?

Partager

Les fanfares de l’indépendance ont longtemps retenti comme des hymnes d’espoir. Aujourd’hui, à plus de six décennies de souveraineté, l’Afrique de l’Ouest est à la croisée des chemins. Si les drapeaux sont bien nationaux, la souveraineté, elle, reste souvent fragmentée. Entre espoirs, échecs et résiliences, quel bilan tirer de ces 65 années ?

CLIQUEZ ICI POUR RECEVOIR TOUS LES JOURS NOS ARTICLES

1960 : L’an 1 des indépendances

L’année 1960 marque un tournant pour l’Afrique de l’Ouest francophone. Le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso (ex-Haute-Volta), le Bénin (ex-Dahomey), le Niger, le Togo et d’autres obtiennent leur indépendance de la France.
Un vent de liberté souffle. Les peuples rêvent de dignité, de développement, de grandeur retrouvée.

A LIRE AUSSI : « Le Togo est-il vraiment indépendant ? »

Mais très vite, l’enthousiasme est rattrapé par la réalité postcoloniale : dépendance économique, instabilités politiques, héritages institutionnels bancals, réseaux d’influence toujours actifs.

Le rêve économique inachevé

Croissance sans transformation

L’Afrique de l’Ouest a connu des périodes de croissance. La Côte d’Ivoire des années 1970, le Ghana post-ajustement structurel, le Nigeria avec l’or noir… Mais cette croissance a rarement été inclusive ni structurellement transformatrice.

Les économies restent :

Dépendantes des matières premières (cacao, coton, pétrole, or)

Peu industrialisées

Fragiles face aux chocs extérieurs (Covid, guerre en Ukraine, crises climatiques)

Aide au développement ou dépendance perpétuée ?

L’aide publique au développement (APD) est venue combler des manques, mais a souvent été conditionnée politiquement, mal orientée ou mal gérée. Résultat : peu de souveraineté budgétaire réelle, et une dépendance persistante aux institutions de Bretton Woods.

Défis démocratiques et instabilités

Une démocratie sous tension

Si des avancées sont notables (alternances pacifiques au Ghana, au Sénégal, au Bénin jusqu’à récemment), les coups d’État refont surface : Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger. L’aspiration populaire au changement est souvent captée par les militaires, faute de confiance dans les élites politiques civiles.

Crise de leadership

Les figures historiques charismatiques ont laissé place à une nouvelle classe politique souvent perçue comme déconnectée, corrompue et inefficace. Les réformes tardent, les institutions restent faibles, et le dialogue avec la société civile est souvent réduit à une formalité.

Insécurité, terrorisme, migration

Depuis une décennie, le Sahel est devenu l’un des épicentres de l’insécurité mondiale. Le terrorisme, autrefois exogène, s’est enraciné.

Des milliers de morts

Des millions de déplacés

Des économies locales détruites

Une jeunesse désœuvrée, entre migration, radicalisation ou résignation

Les réponses sécuritaires (Barkhane, MINUSMA, G5 Sahel) ont échoué à pacifier durablement la région. Une nouvelle approche centrée sur le développement local, l’éducation, la justice et la gouvernance est vitale.

Savoirs, cultures et éducation : une souveraineté à reconquérir

65 ans après les indépendances, les programmes scolaires sont encore calqués sur les modèles coloniaux.

L’histoire africaine y est souvent marginalisée.

Les langues locales sont sous-exploitées.

La recherche scientifique est peu financée.

Pourtant, une génération de créateurs, d’intellectuels et d’entrepreneurs culturels se lève. De Dakar à Accra, de Lomé à Conakry, les initiatives foisonnent : littérature, cinéma, tech, art, médias indépendants…

Les signaux positifs : vers un nouveau départ ?

Start-ups africaines (fintech, edtech, agritech) qui attirent les investisseurs internationaux

Monnaie unique ECO en débat au sein de la CEDEAO (malgré les blocages actuels)

Éveil citoyen, avec des jeunes plus informés, plus exigeants

Mobilisations féminines croissantes, dans tous les domaines

Diaspora impliquée dans le retour et l’investissement local

La jeunesse ouest-africaine, majoritaire et bouillonnante, n’attend plus. Elle crée ses propres espaces de résistance, d’expression, de prospérité.

Bilan : Entre indépendance formelle et dépendance réelle

L’Afrique de l’Ouest a obtenu ses indépendances politiques, mais reste économiquement dépendante, institutionnellement fragile et stratégiquement divisée.

Les défis sont nombreux, mais les ressources humaines, culturelles et naturelles sont là.
Il manque une vision unificatrice, un leadership éclairé, une rupture franche avec les modèles hérités.

Et maintenant ? Le futur s’écrit aujourd’hui

L’Afrique de l’Ouest est debout. Ébranlée mais pas abattue. Inquiète, mais pas désespérée. La mémoire de ses combats, la force de sa jeunesse, et l’urgence des enjeux en font un carrefour décisif de l’histoire continentale.

L’indépendance ne se célèbre pas seulement, elle se construit chaque jour.

Dimitri AGBOZOH-GUIDIH

Laisser un commentaire