50 ans d’intégration : la CEDEAO appelée à se réinventer et à redonner du sens à sa mission

50 ans d’intégration : la CEDEAO appelée à se réinventer et à redonner du sens à sa mission

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La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) souffle cette année ses 50 bougies. Ce cinquantenaire n’est pas seulement une célébration ; c’est aussi un moment de réflexion collective, un bilan lucide des avancées, des ratés, et des promesses à tenir pour l’avenir d’une région riche, diverse et pleine de potentiel.

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Une demi-siècle d’union, un cap symbolique

Un anniversaire à la fois solennel et stratégique, célébré sous le thème évocateur : « Ensemble plus forts pour un avenir meilleur ». Alors que le continent est secoué par des crises politiques, sécuritaires, économiques et sociales, la CEDEAO est appelée à se réinventer, à redonner du sens à sa mission d’intégration et à réconcilier ses peuples avec leur organisation régionale.

50 ans d’histoire : des promesses aux réalités

Une ambition fondatrice : l’intégration économique et la paix

Au lendemain des indépendances, les États ouest-africains comprirent vite qu’aucun ne pouvait relever seul les défis du développement. D’où la naissance de la CEDEAO, fondée sur la libre circulation des personnes et des biens, l’harmonisation des politiques économiques, et la préservation de la paix et de la stabilité dans la sous-région.

Des acquis indéniables

Parmi les progrès à saluer :

La libre circulation : avec le passeport CEDEAO et la carte d’identité biométrique dans certains pays membres, les citoyens peuvent voyager sans visa dans la région.

La coopération militaire : notamment à travers la Force en attente de la CEDEAO, intervenue pour rétablir l’ordre constitutionnel dans plusieurs États.

Des institutions sous-régionales : telles que la Cour de Justice, le Parlement de la CEDEAO, ou encore le Centre de surveillance des maladies.

La promotion de la démocratie : avec l’envoi régulier de missions d’observation électorale et la condamnation des coups d’État.

Les défis persistants : fragilités et désillusions

Les crises politiques et les reculs démocratiques

Depuis quelques années, la CEDEAO est confrontée à une vague de coups d’État (au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, au Niger) et à la montée d’un sentiment d’inefficacité. Les suspensions des pays putschistes ont parfois été vécues comme des mesures de façade, sans réel impact sur la restauration démocratique.

Une intégration économique inachevée

L’union douanière reste faible, les échanges intra-régionaux stagnent autour de 10 à 15%, et les infrastructures de connectivité (routes, rails, numériques) sont encore peu développées. Le projet de monnaie unique, l’ECO, peine à se concrétiser malgré des décennies de discussions.

Le désintérêt des populations

Loin des sommets officiels et des discours diplomatiques, les citoyens ouest-africains ressentent peu les effets concrets de l’intégration. Le manque d’accès à l’emploi, la précarité, la migration forcée, les conflits intercommunautaires… alimentent un sentiment de distance entre l’organisation et les peuples.

« Ensemble plus forts pour un avenir meilleur » : un slogan, une ambition, une urgence

Le thème des 50 ans de la CEDEAO n’est pas anodin. Il invite à un sursaut collectif, à une remobilisation des forces vives pour construire une sous-région résiliente et prospère. Mais cela suppose des réformes profondes.

Réconcilier les peuples avec l’intégration

La CEDEAO de demain ne peut se contenter d’être une organisation des chefs d’État. Elle doit devenir une CEDEAO des peuples, en renforçant :

La participation citoyenne, en particulier celle des jeunes et des femmes.

La transparence et la redevabilité de ses institutions.

La communication proactive, pour mieux expliquer ses actions et ses impacts.

Moderniser les leviers économiques

L’avenir de la région passe par :

Une industrialisation intelligente, adaptée aux ressources locales.

Le renforcement des chaînes de valeur régionales (agriculture, énergie, textile, numérique).

L’inclusion financière des petites et moyennes entreprises.

Le soutien à l’innovation, avec un accent particulier sur les startups technologiques portées par la jeunesse.

Assumer le leadership dans la sécurité et la paix

Face au terrorisme, à la criminalité transfrontalière et aux conflits communautaires, la CEDEAO doit être plus proactive :

Investir dans les armées locales et les dispositifs communautaires de sécurité.

Renforcer la médiation diplomatique et le dialogue interétatique.

S’attaquer aux causes profondes des conflits : pauvreté, inégalités, exclusion.

L’Afrique de l’Ouest à la croisée des chemins

Ce cinquantenaire marque un tournant historique. La CEDEAO ne peut plus continuer à fonctionner comme au XXe siècle. Les attentes ont changé, les défis aussi.

L’union ne doit pas être un mot creux, mais une volonté concrète de construire ensemble, de défendre ensemble, et de rêver ensemble.

Les jeunes africains réclament des institutions utiles, proches, audacieuses. Les femmes veulent des politiques qui libèrent leur potentiel. Les travailleurs espèrent des économies qui créent de l’emploi. Les peuples veulent une CEDEAO qui agit, qui protège, et qui inspire.

Un nouvel élan pour les 50 prochaines années

« Ensemble plus forts pour un avenir meilleur » ne doit pas rester un slogan de célébration. C’est un appel à l’unité authentique, à l’ambition retrouvée, à l’intégration de terrain.


Si la CEDEAO parvient à se renouveler, à faire de ses citoyens des partenaires et non des spectateurs, alors elle pourra redevenir ce qu’elle a toujours voulu être : un moteur d’espoir pour l’Afrique de l’Ouest et pour le continent tout entier. 50 ans d’histoire, mais surtout, un avenir à écrire. Ensemble.

Dimitri AGBOZOH-GUIDIH

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