Au Togo, la lutte contre le mariage des enfants n’est pas seulement un impératif moral, c’est une bataille stratégique. Le fléau, alimenté par la pauvreté, la désinformation et la rupture du parcours scolaire, expose des milliers de jeunes filles à une « double peine » – celle de l’exploitation économique et de la vulnérabilité sanitaire. Longtemps, l’éducation des filles a été perçue comme un luxe ou, au mieux, comme une simple préparation au rôle d’épouse. Pourtant, les faits sont implacables : l’éducation est l’arme la plus efficace pour démanteler le cycle de la pauvreté et de la dépendance.
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Le bouclier de la connaissance face à l’urgence
Faith to Action Network (F2A), en partenariat avec des acteurs locaux comme l’Église Méthodiste du Togo (EMT), a compris que la victoire ne se gagnerait pas seulement dans les tribunaux, mais par un changement radical des cœurs et des normes sociales. L’école, dans ce contexte, n’est pas seulement un lieu d’apprentissage académique ; elle est la première ligne de défense et un bouclier social essentiel contre l’exploitation.
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La solution promue est l’éducation holistique, intégrant les compétences de vie, la citoyenneté, et une solide littératie financière. C’est cette approche complète qui forge la véritable autonomie. Le message phare de la campagne, #MaPlusBelleRobeEstMonUniforme, incarne cette stratégie : l’uniforme n’est pas qu’un vêtement, c’est l’armure d’une jeunesse protégée et l’étendard d’un « choix éclairé » pour l’avenir.
Le bouclier économique : investir dans l’actif humain
L’éducation est, littéralement, une source de revenus à long terme. Chaque année passée à l’école augmente non seulement le potentiel de revenus futur de la jeune fille, mais lui confère aussi une autonomie financière cruciale. L’éducation holistique inclut la littératie financière, transformant l’élève en gestionnaire et non plus en « charge à transférer ».
Une fois son autonomie économique assurée, elle n’est plus réduite à la dépendance, ce qui lui donne la force et les moyens de quitter une situation de violence ou de précarité, allégeant la « double peine » que subissent les filles mariées. Face à la pression économique, l’éducation est l’investissement le plus sûr. Elle change la perception de la fille, la faisant passer d’une « charge » à une « source de revenu futur » pour la famille, faisant du choix de l’attente un « choix éclairé » financièrement.
Le bouclier sanitaire et la maîtrise du corps
L’éducation retarde l’âge de la première grossesse, réduisant drastiquement les risques de complications obstétricales, de mortalité maternelle et infantile. Mais son rôle ne s’arrête pas là. Pour une jeune fille au Togo, l’arrivée des premières menstruations marque un seuil physique, mais aussi social. Ce moment, qui devrait être célébré comme un signe de santé, est souvent perçu comme le signal du « temps de se marier».
Par ailleurs, l’éducation holistique aborde ces sujets avec pudeur, mais sans tabou, conférant la confiance pour dire « Non » et fournissant le langage nécessaire pour communiquer, transformant l’ignorance en résilience.
La pureté, valeur centrale à toutes les religions, ne doit plus être synonyme d’ignorance, mais de savoir et de dignité. Les Leaders religieux, en s’appropriant les messages F2A, se disposent à enseigner que : la puberté est un phénomène naturel et sacré, non un signal de culpabilité et que l’ignorance du corps rend vulnérable à l’abus, tandis que la connaissance de ses droits est une forme de protection divine et légale.
De l’élève au leader : le dividende démographique de l’autonomie sociale
Une fille éduquée n’est pas seulement un individu qui réussit ; elle est un vecteur de changement social et un facteur de dividende démographique pour la nation togolaise. L’éducation holistique est une véritable école de citoyenneté. Elle confère à la jeune fille le respect et l’autorité nécessaires pour négocier au sein de son propre foyer et de sa communauté. En développant leur capacité d’analyse, elle maîtrise sa santé reproductive, lui permettant de faire des choix éclairés concernant son corps et son avenir. Cette maîtrise cognitive lui donne le pouvoir de dire « non », de porter un plaidoyer efficace, de s’impliquer dans les affaires publiques, et d’inspirer ses pairs. En devenant des « jeunes ambassadeurs », ces leaders forment un cercle vertueux : elles s’assureront que leurs propres enfants seront éduqués, enclenchant ainsi le dividende démographique essentiel à la prospérité nationale.
En conclusion, si la lutte contre le mariage des enfants doit être une priorité, la stratégie pour la gagner réside dans l’offre d’une éducation complète. Lever le tabou sur la sexualité, les menstruations et les droits n’est pas un acte de licence mais au contraire un acte de protection sacrée.
L’éducation est le contrat le plus sacré que le Togo peut passer avec sa jeunesse féminine. Elle est le seul investissement qui garantit la dignité, la légalité et l’avenir. Chaque jour passé à l’école ou centre de formation est une victoire contre le fléau, faisant de l’uniforme le symbole de la liberté et la preuve vivante que la société togolaise avance vers une promesse où l’enfance n’est plus une vulnérabilité.



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