À travers un communiqué, la rédaction du Journal L’Alternative a décrit les circonstances qui ont conduit les journalistes Isidore Kouwonou et Ferdinand Ayité à se mettre à l’abri. Lisez plutôt
Ci-dessous le communiqué
Ce mercredi 15 mars 2023, des juges du Tribunal de Grande Instance de Lomé ont prononcé une inique sentence à l’encontre de Ferdinand AYITE, Directeur de publication du bihebdomadaire d’investigations et d’informations générales L’ALTERNATIVE et d’Isidore KOUWONOU, Rédacteur en chef du même journal, condamnés à 3 ans de prison ferme et à une amende de 3 millions de francs CFA. Ces juges ont aussi annoncé l’émission d’un mandat d’arrêt contre les deux journalistes. Tout cela, pour de prétendus outrage et propos injurieux envers des autorités (deux ministres-pasteurs).
Cette condamnation inique qui n’est que l’épilogue d’un long acharnement sur des journalistes indépendants qui ne font que leur travail d’enquête sur les dessous de la gouvernance scandaleuse du pays, indique aussi le niveau de cruauté de ceux qui, malgré le mystérieux décès, presqu’un an jour pour jour, de l’une de leurs proies, en l’occurrence le regretté Joël EGAH, Directeur de publication du journal FRATERNITE, n’ont pas eu la décence de mettre fin à leur chasse contre des journalistes, Ferdinand, Isidore et Joël.
Ce nième harcèlement judiciaire contre lesdits journalistes a commencé en décembre 2021 après une émission-débat diffusée sur les réseaux sociaux de la Rédaction de L’ALTERNATIVE à laquelle participaient les trois journalistes et pendant laquelle le ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Consommation locale, Kodzo Adedze et son collègue en charge de la Justice estiment avoir été diffamés.
Le jeudi 9 décembre 2021, Ferdinand AYITE a été interpellé à la Rédaction de son journal par des hommes en civil qui l’ont conduit à la Brigade de recherches et d’investigations (BRI) où il a été soumis à un interrogatoire et gardé à vue. Le lendemain, Joël EGAH et Isidore KOUWONOU ont été convoqués à leur tour par le même service (BRI) où ils ont été également soumis à de longues heures d’interrogatoire, avant d’être présentés au procureur dans la soirée et inculpés pour outrage à des autorités.
Ferdinand AYITE et Joël EGAH seront ensuite placés sous mandat de dépôt par le doyen des juges d’instruction et donc envoyés en prison. Isidore KOUWONOU, lui, sera placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction formelle de quitter le périmètre de Lomé, la capitale du Togo.
La détention des deux journalistes qui a scandalisé le monde entier s’est poursuivie durant trois semaines avant que la justice ne leur accorde une liberté provisoire assortie d’une exigence de présentation d’excuses publiques à laquelle les journalistes se sont pliés.
Cette dure épreuve les a profondément affectés, avant qu’une mort suspecte n’arrache brusquement Joël EGAH quelques semaines seulement après leur libération.
L’opinion a cru que suivant les promesses publiques d’un des ministres-pasteurs, l’affaire était définitivement classée.
Mais à la surprise générale, une citation à comparaître devant le Tribunal de première instance de Lomé le 8 mars 2023 a été envoyée à Ferdinand AYITE, Isidore KOUWONOU et même au défunt Joël EGAH. Les deux journalistes se préparaient pour le procès avec leur avocat Me Elom KPADE quand le samedi 4 mars 2023, Ferdinand AYITE a été arrêté par la police d’immigration à la frontière Togo-Bénin à Sanvée-Condji, privé de son passeport et gardé dans une salle pendant une trentaine de minutes, avec le chauffeur de la voiture à bord de laquelle il se trouvait, avant d’être récupéré par la Brigade de Gendarmerie de la ville (Aného) avec une équipe conduite par le Chef de Brigade. Il a été procédé à son identification puis il fut conduit sous garde de gendarmes armés jusque dans les locaux du Service central de recherches et d’investigations criminelles (SCRIC) à Lomé. Ici, il a subi une série d’interrogatoires conduite par le commandant du SCRIC et liés à son déplacement vers le Bénin et au procès prévu pour le 08 mars. Le commandant des lieux lui restitue par la suite le passeport et l’informe qu’il sera conduit à son domicile par une équipe de la gendarmerie.
Interpellé autour de 18 h à la frontière, il aura passé près de 4 heures entre les mains de la gendarmerie avant d’être conduit à son domicile vers 22 h. S’ensuivit un siège de son quartier par des éléments de la gendarmerie.
Le dimanche 5 mars 2023, deux agents du SCRIC se sont présentés à son domicile à 11h30, insistant à le voir personnellement, avant de constater par eux-mêmes son absence et de lui déposer une convocation qu’ils disent provenir du ministre de la Sécurité lui demandant de se présenter le même jour à 15 heures au SCRIC, muni de son passeport et de sa carte d’identité.
Ayant déjà appris qu’il sera de nouveau interpellé dans la journée du dimanche, Ferdinand AYITE a pris des dispositions pour se mettre à l’abri, dans la matinée du dimanche 05 mars avant de quitter le territoire quelques jours plus tard.
Ses amis et collaborateurs ont également fait l’objet de surveillance, de filature et même de bref enlèvement. Parmi eux, Isidore KOUWONOU, Rédacteur en chef de L’ALTERNATIVE et principal animateur de l’émission « L’autre Journal » créée par la Rédaction du journal et diffusée sur les réseaux sociaux. Informée du plan pour également inquiéter ce dernier en l’absence de son Directeur de publication, la Rédaction a pris des dispositions pour le mettre également à l’abri.
La Rédaction informe l’opinion que cela fait en réalité plus d’un mois que le Directeur de publication Ferdinand AYITE faisait l’objet de surveillance accrue à son domicile et de filature dans la circulation par des agents en civil à moto. Dans la nuit du 25 février 2023 vers 21h30, au lieu dit carrefour Y au quartier Avédji à Lomé, alors qu’il rentrait d’un rendez-vous sur un taxi-moto, une voiture banalisée a heurté la moto avant de prendre la fuite.
Il est manifeste que depuis plusieurs années, le régime s’évertue à faire taire l’un des journaux d’investigation en vue au Togo par des suspensions abusives de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), le harcèlement judiciaire à travers des plaintes devant les tribunaux, le harcèlement fiscal, les menaces, etc. La parodie de procès de ce 15 mars et le verdict ridicule qui en est sorti ne sont que l’aboutissement d’un plan visant à faire taire définitivement l’un des journaux qui continuent d’informer les populations en toute indépendance et objectivité.
Dans un pays où les crimes de sang et les scandales financiers sont devenus des faits divers et les auteurs jouissent de l’impunité, il est curieux que la justice s’acharne sur des journalistes au point de délivrer contre eux des mandats d’arrêt juste pour des délits présumés d’outrage et de diffamation. Dans ce contexte difficile marqué par une dérive autoritaire et un rétrécissement des espaces de liberté d’expression et de presse, L’ALTERNATIVE trouvera une alternative pour continuer par informer ses lecteurs et l’ensemble du peuple togolais.
Fait à Lomé, le 16 mars 2023
Signé
La Rédaction