« Pourquoi le régime parlementaire n’est pas adapté au Togo ? »

« Pourquoi le régime parlementaire n’est pas adapté au Togo ? »

Partager

Depuis le 25 mars 2024, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle Constitution, faisant basculer le Togo de la 4 ème à la 5 ème République et d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire. L’ancien député Gerry Taama, affirme que ce régime n’est pas adapté au Togo.

CLIQUEZ ICI POUR RECEVOIR TOUS LES JOURS NOS ARTICLES

Votée par 89 voix pour, 1 contre et 1 abstention, la nouvelle Constitution continue par susciter de plusieurs inquiétudes au sein de la population Togolaise. À travers sa page Facebook, l’ancien président du parti politique NET, Gerry Taama évoque « trois raisons qui font du régime parlementaire une sorte de Frankenstein ». Lisez plutôt !

A LIRE AUSSI : Togo : À 125 ans, Lucia Abra Goza révèle les secrets d’une longue vie

Les raisons de la suspension des corps habillés impliqués dans des actes de lesbianisme

Pourquoi le régime parlementaire n’est pas adapté au Togo ?

J’ai probablement été le député de la 6ème république à m’être le plus battu contre la constitution de la 5ème république. D’abord en commission des lois dont j’étais membre. Quand je lis aujourd’hui des anneries prétendant que j’ai soutenu ce projet, alors qu’en commission, sur les 11 députés, j’ai voté contre tous les chapitres du projet de loi et contre tout le projet, à main levée, je rigole tristement. Les archives de l’Assemblée nationale sont pourtant là. Bref.

Le 19 avril 2024, à l’adoption définitive de la constitution, les trois députés du net ont boycotté la séance. Ensuite, dès le 24 avril. J’ai saisi la cour constitutionnelle en ma qualité de président de groupe parlementaire, pour tenter d’invalider la réforme, sans succès. J’en ai tiré les conséquences et choisi de quitter la politique. Aujourd’hui je suis retraité politique et menuisier.

Mais pourquoi me suis-je opposé au régime parlementaire? Sur le papier, c’est un régime politique qui a beaucoup de vertus, c’est le descendant de la magna carta, l’ancêtre de la démocratie. Le régime parlementaire permet une distribution harmonieuse du pouvoir entre l’exécutif le législatif et le judiciaire, sans interposition d’un président de la république omnipotent. Bref.

Voici les trois raisons qui font du régime parlementaire une sorte de Frankenstein politique dans notre pays.

1: Pas de régime parlementaire sans parlementarisme

Si je devais faire le point, en 5 ans, il y a eu à peine une vingtaine de députés qui se sont exprimés en plénière en plus du traditionnel “présent” lors de l’appel. Ceux qui étaient assidus dans la prise de parole étaient à peine une dizaine. Et je crois qu’en termes d’intervention, je dois être assez loin devant.
Mais il ne faut pas trop blâmer les députés parce que ces derniers n’ont pas d’assistant, aucun budget pour la recherche et les enquêtes. S’ils ne sont pas industrieux et dotés d’un socle de connaissances assez poussé, ils ne peuvent pas mieux faire que répondre présent. Pendant les 5 ans, mon Master en droit m’a beaucoup servi, mais quand il fallait étudier le budget, je faisais appel à des professeurs d’université. Sollicitation payantes.
Sur la quarantaine d’interpellations introduites, j’ai été auteur de 99% d’entre elles.
Il n’est pas possible d’instaurer un régime parlementaire sans une tradition du parlementarisme. Sans des députés pugnaces, animant avec ferveur le débat parlementaire et le prorogeant sur les médias et dans les agora.
Comment instaurer un régime parlementaire sans débats parlementaires. La preuve, l’assemblée nationale de la 7ème législature semble assez silencieuse depuis le début de l’année.

2: Des ministres qui jouent le jeu.

On ne peut pas établir un régime parlementaire quand les ministres n’accordent aucune importance aux députés.
Mes premières interpellations étaient orales, c’est-à-dire que les ministres interpellés devraient venir répondre à nos questions. Personne n’est venu. J’ai dû les transformer en questions écrites et il fallait beaucoup râler avant d’avoir des réponses. Certains ministres considèrent l’assemblée nationale comme une simple caisse d’enregistrement, d’où leur attitude désinvolte. Si les ministres ne craignent et ne respectent pas l’assemblée nationale, il n’y a pas de régime parlementaire.

3: Un premier ministre impliqué

Le seul premier ministre qui semblait comprendre le devoir de redevabilité était Klassou. Mme Dogbé nous a fui depuis le Vaccingate (que j’avais provoqué) et la crise institutionnelle qui a eu lieu le même jour. C’était en 2021. Après, nous ne l’avons vu que lors de certains événements parlementaires. Dans un régime parlementaire, le premier ministre est omniprésent à l’assemblée nationale puisqu’il est le premier interlocuteur des députés. Il y est quasiment toutes les semaines, à se faire cuisiner par les députés. L’ancien président de la république et nouveau président du conseil est venu une seule fois en 5 ans à l’assemblée nationale, et pour être honnête, je ne le vois pas pointer même une fois par mois pour répondre aux questions pugnaces des députés. Je rappelle que nous avons déjà épuisé une session parlementaire.

Voilà donc les trois raisons qui me font dire que le régime parlementaire n’est pas adapté au Togo. Les pays anglophones sont mieux préparés. Et des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire peuvent migrer, mais au Togo nous en sommes loin. Très loin même.

Le seul bénéfice de la cinquième république est d’avoir supprimé la limitation de mandats et les élections présidentielles. Le chef de l’exécutif est désormais élu par l’assemblée nationale et si on considère que depuis 1994 c’est le même parti qui gagne ces élections, les jeux sont faits. Circulez, il n’y a rien à avoir. C’est la fin du temps politique.

La réalité est que nous sommes revenus à un ersatz du parti unique, sans ferveur et saveur. Tout le monde semble hypnotisé, tétanisés. C’est le temps de la désillusion. .

Pour moi la solution est simple. Il faut sortir de cette impasse. La 5ème république a tué la diversité politique et le débat d’idées. Ceci est intenable dans le temps. Il faut une nouvelle constitution inclusive, plébiscitée par tous les Togolais, comme en 1992.

Bref, je vais me coucher. Je prêche dans le désert.
Gerry.

Laisser un commentaire