L’Alliance des États du Sahel (AES), récemment formée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, incarne une tentative audacieuse de renforcer la souveraineté et la sécurité dans une région marquée par l’instabilité et la violence. Cette organisation, née des tensions géopolitiques mondiales et des crises internes, représente un bloc puissant dans un Sahel fragilisé par des conflits, le terrorisme et les coups d’État. Pourtant, comme toute initiative régionale ambitieuse, l’AES n’est pas à l’abri des menaces qui pourraient ébranler sa solidité et son avenir. De l’intérieur, des défis politiques, économiques et militaires peuvent compromettre son intégrité, tandis qu’à l’extérieur, des puissances mondiales et régionales pourraient chercher à affaiblir ou détruire cette union stratégique. Cet article explore les menaces qui pèsent sur l’AES et les forces qui pourraient tenter de la détruire.
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Une alliance fragile : les défis internes
L’Alliance des États du Sahel, bien qu’unie par des intérêts communs tels que la sécurité régionale et l’autonomie face à la pression internationale, fait face à de nombreux défis internes qui pourraient nuire à sa pérennité. Ces défis, bien qu’ils soient inhérents à la nature même de toute organisation intergouvernementale en période de turbulence, sont amplifiés par des facteurs spécifiques à chaque pays membre.
Des divergences politiques et idéologiques
L’une des menaces les plus évidentes vient des divergences politiques entre les membres fondateurs de l’AES. Bien qu’ils partagent des objectifs similaires en matière de souveraineté, de sécurité et d’indépendance vis-à-vis des grandes puissances mondiales, les trois pays membres (Mali, Burkina Faso, Niger) ont des trajectoires politiques différentes et des priorités nationales qui peuvent diverger à long terme. Le Mali, sous la direction d’Assimi Goïta, est résolument tourné vers une reconfiguration géopolitique, avec un renforcement des liens avec la Russie. Le Burkina Faso et le Niger, bien qu’alliés, ont parfois des approches différentes face aux enjeux sécuritaires et diplomatiques, notamment en ce qui concerne leur relation avec la communauté internationale et les grandes puissances comme la France et les États-Unis.
De plus, l’instabilité politique à travers des coups d’État successifs dans la région pourrait également fragiliser l’AES. Chaque junte militaire au pouvoir fait face à des défis internes, notamment la gestion de l’opposition, les pressions sociales et les attentes populaires. La gouvernance autoritaire, bien qu’elle puisse apporter une certaine cohésion à court terme, crée un terreau fertile pour la dissension interne et l’érosion de la légitimité populaire.
Les défis économiques : un obstacle au développement durable
L’un des plus grands défis internes auxquels l’AES pourrait faire face est l’insuffisance économique. Bien que l’alliance promette de créer une union économique et monétaire, le chemin vers cette ambition semble semé d’embûches. La pauvreté endémique, le faible niveau d’industrialisation et la dépendance à l’égard des exportations de matières premières, combinés à des infrastructures défaillantes, rendent l’intégration économique régionale difficile.
Les pays membres de l’AES sont confrontés à des défis économiques lourds, et sans une coopération forte et un soutien externe, il est peu probable que l’alliance puisse progresser vers une réelle prospérité économique. Le retard dans le lancement de projets économiques communs ou de grandes infrastructures régionales pourrait générer des frustrations internes et même des désaccords entre les membres.
Les défis militaires : la guerre contre le terrorisme et la stabilité régionale
L’AES a été fondée en grande partie pour faire face aux menaces de sécurité dans le Sahel, notamment l’extrémisme islamique et le terrorisme. Cependant, le manque de coordination militaire et les différences dans les capacités militaires des membres pourraient entraver son efficacité. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont des forces armées relativement faibles et mal équipées, et bien que des alliances stratégiques, comme avec la Russie, puissent offrir des solutions à court terme, l’absence de solutions durables en matière de sécurité pourrait déstabiliser l’ensemble de la région.
Les menaces externes : l’influence des puissances mondiales
Outre les défis internes, l’AES est également confrontée à des menaces externes qui, si elles ne sont pas gérées de manière stratégique, pourraient détruire l’alliance. Ces menaces proviennent principalement des anciennes puissances coloniales, de la communauté internationale et d’autres pays cherchant à préserver leur influence en Afrique.
La pression des puissances occidentales : la CEDEAO et la France
L’une des menaces les plus immédiates pour l’AES vient de la communauté internationale, notamment des puissances occidentales et des organisations comme la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Depuis la création de l’AES, la CEDEAO a fermement rejeté l’idée d’une rupture avec l’ordre régional existant, menaçant les membres de l’AES de sanctions économiques et diplomatiques, voire d’interventions militaires pour rétablir l’ordre constitutionnel. Le rôle de la France, ancienne puissance coloniale, dans l’affaire, est également central. L’Hexagone, déjà fragilisé par ses relations avec certains pays africains, pourrait user de ses leviers diplomatiques et économiques pour isoler et affaiblir l’AES, notamment à travers des pressions au niveau de l’ONU ou de l’Union Européenne.
Les sanctions économiques et la pression diplomatique de ces acteurs extérieurs pourraient s’intensifier si l’AES poursuit sa politique d’indépendance vis-à-vis de l’influence occidentale. Le soutien croissant des membres de l’AES à la Russie et à d’autres acteurs non occidentaux pourrait être perçu comme une menace par les puissances occidentales, renforçant les tensions géopolitiques et augmentant la probabilité de confrontation.
Les tensions avec les voisins et la montée du radicalisme
À l’extérieur de l’AES, des pays voisins pourraient voir dans cette nouvelle alliance une menace pour leur propre sécurité et stabilité. Le Tchad, le Bénin, ou même des membres de la CEDEAO comme le Ghana, qui ont des relations plus étroites avec l’Occident, pourraient chercher à contrer l’influence grandissante de l’AES dans la région. En outre, l’incapacité de l’AES à résoudre efficacement la crise sécuritaire dans le Sahel pourrait ouvrir la voie à l’expansion de groupes terroristes, qui, en profitant de l’instabilité, menaceraient de fragmenter l’alliance et de renverser son équilibre fragile.
Peut-on sauver l’AES ? Une vision pour l’avenir
L’avenir de l’Alliance des États du Sahel dépendra de la capacité des trois pays membres à surmonter les défis internes tout en naviguant habilement dans un environnement international complexe. Pour que l’AES survive et prospère, il sera crucial de :
Renforcer la coopération interne et résoudre les différends politiques entre les membres, tout en favorisant l’inclusivité et la légitimité démocratique au sein des gouvernements.
Investir dans les capacités militaires régionales pour faire face aux menaces sécuritaires croissantes, en mettant en place une force antiterroriste conjointe plus forte et mieux équipée.
Promouvoir une union économique réelle avec des projets communs de développement, l’élargissement du commerce intra-africain et la mise en place d’infrastructures partagées.
Gérer les relations diplomatiques et économiques avec les puissances étrangères, en établissant des partenariats stratégiques tout en évitant les dépendances excessives vis-à-vis de tout bloc extérieur.
Si l’AES réussit à relever ces défis, elle pourrait devenir un modèle pour une Afrique unie et souveraine, capable de jouer un rôle clé dans la politique mondiale. Mais si ces menaces internes et externes ne sont pas prises en compte, l’AES pourrait rapidement se fragmenter et se retrouver isolée sur la scène internationale.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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